Yann frêre multidisciplinaire

S’il est une personne dont j’apprécierais de me débarasser, afin d’assurer ma supériorité et de récupérer le titre de chouchou au sein maternel, c’est bien de mon moyen frêre.

Bein oui, non seulement cette enflure dessine mieux que moi alors qu’a 10 ans c’était moi le meilleur, mais en plus il fait du sax, de la guitare, il chante bien, il écrit des chansons géniales et c’est un acteur talentueux.
Heureusement sa copine m’a dis qu’au lit il...
... non, en fait elle a rien dis.

Yann est née un jour de septembre 1980.

J’étais encore trop jeune pour me rendre compte que ma vie allait définitivement être gachée.
Dans ma grande naïveté je guidais cet enfant anonyme vers la vie, lui enseignant les bases du chant (Ha ! ces fantastiques sessions de karaoké sur le générique de Princesse Sarah !), du dessin ("tu vois, si tu fais un autre rond sous la tête, ça fait le corps"), et même de la musique ("plus tu tapes fort, plus vite ton public (nos parents à l’époque) arrive").
Je dois avouer malgré tout qu’il est un talent que je n’ai pas appris à Yann : la comédie. De lui même il développa un don pour l’entourloupe, le mensonge, et la manipulation parentale, don si insidieux qu’il me fallut des années pour le découvrir.

Ce que je pris d’abord pour une trahison n’était qu’un premier pas vers cette volonté de reconnaissance obsédante qui malmenait déjà l’esprit malin de mon petit frêre : il fréquentait l’ennemi, le mal incarné (paradoxalement), les filles.
Il en vint même à échanger ses GI-Joe contre des Petits Poney ! Mais ce n’était là que les premières ligne d’un plan malicieux ourdit précocement.

Car c’est par les filles que viendrait le succès.

C’est à l’adolescence que je me rendis compte de mon erreur. Les filles, jusque là source de répulsion, devenaient soudain un mystère insondable qu’il était difficile d’approcher. Yann préparait le terrain depuis des années. Je fus battu sur le terrain fraternel de la "première fois". Et ça ne faisait que commencer.

Yann se mis alors à la musique. Rapidement, il eu un saxophone sur lequel il improvisait des prodiges. Sans doute une preuve de son incompétence, car la moindre partition lui était une torture atroce. On enferme pas un esprit perfide derrière les grilles d’une portée.
Se rendant compte que les saxophonistes stars étaient rares (allez y, donnez moi un nom), il changea de d’instrument. C’est le chanteur la star. On connait tous la gueule du chanteur de Metallica. Par contre dur de se souvenir de la tête des autres membres du groupe.
Et paf, le voila "Lead Artist". Il écrit ses chansons, utilise le sax comme un instrument de drague supplémentaire ("et en plus tu joues du sax ! Comme c’est romantiiiique !!!"), et passe d’un groupe à l’autre.
Le truc, c’est qu’il lui manque les détails qui tue. D’abord, il a un jeu de scène de merde. Et ça, ça pourrit tout de suite un concert. Pourquoi vous croyez qu’ils apprennent à danser à la Star Ac’ ? Vous mieux avoir l’air ridicule qu’avoir l’air de rien.
Ensuite, quand on ne joue pas d’instrument dans un groupe, on est seul contre tous les autres.
La double solution semblait évidente : Yann se mis à la guitare.

En 6 mois il avait déjà composé 4 chansons pour son futur album solo de "quand les autres membres du groupes feront de l’ombre à son succès (les chiens ingrats)".

Grâce à toutes ses manigances, il dégotte un manager pour le groupe, drague la fille d’un producteur, et commence à atteindre la gloire avec son groupe au nom si bucolique RN193.

Mais Yann ne s’arrête pas là. Quand on veut réussir, il faut mettre toutes les chances de son coté. Alors Yann dessine.

Comme je l’ai dis plus haut, au départ, il était mauvais. D’ailleurs, d’une certaine manière, il l’est encore.
C’est en pillant le talent des plus grands (à commencer par moi), qu’il parvint à faire croire à du talent. Pillant le meilleur de chaque genre (BD, Manga, Comics), il réussit à créer un style unique, mais qui en fin de compte n’était qu’un assemblage des qualités des autres.
Vous voyez le monstre de Frankenstein ?
Le dessin de Yann, c’est pareil.

Je pourrais poursuivre en citant dans le détails des exemples flagrants de ce manque de talent (rocketeer sur une mise en page des 4 fantastiques, une reprise de colargol, etc...), mais Yann reste mon frêre.
Je ne peux pas lui souhaiter tous les procès que la révélation de son pillage artistique engendrerait.

Pas que je ne lui veulent aucun mal. Certes, il réussit malgré sa flemmardise, il est sur la voix du succès, mais je le connais assez bien pour savoir que la fortune ne lui sourira pas tout de suite, et j’attendrais ce moment pour enfin me débarasser de ce parasite.

Le connaissant, je serais sûrement sur son testament.

Bon, ça y est ? Vous aussi vous le haïssez ? Non ?
Vous ne vous sentez même pas un petit peu minable devant tant de talent ? Non ?
J’aurais pourtant essayé...